Après le nettoyage de notre classe et de la zone de l’école dédiée à chaque classe, notre journée est loin d’être finie.
Vers 17h, on reprend notre cours « after school »; il y aura aussi 1 cours supplémentaire avant la pause dîner. C’est un cours de rattrapage pour compléter ce qu’on n’a pas pu étudier en profondeur. Là, on se concentre sur des matières dites « importantes» tel que les maths, le coréen, l’anglais, la science… qui seront directement utiles pour le concours d’entrée à l’université. On est en deuxième année mais il faut qu’on s’en occupe dès maintenant.
La pression commence dès les vacances d’été de la deuxième année de lycée. (Ah, tiens j’ai oublié de préciser que notre année scolaire commence fin février et finit fin décembre, on a des longues vacances d’hiver, et un mois de vacances d’été. On ne fait pas de petites vacances dans l’année comme en France.) En troisième et dernière année on vit presque à l’école, nos itinéraires quotidiens et nos horaires deviennent tous pareils et très simplistes : école – maison – école, de 7h à 22h. Je crois qu’on n’avait même pas eu droit aux vacances…
Le but des lycéens en Corée est probablement le même pour tous; c’est de rentrer dans une bonne université bien réputée en sortant du lycée. Poussés par les adultes, on a tellement entendu dire que le nom de son université détermine presque sa vie entière qu’on en est convaincu ! A cet age, ce que nous disent les adultes reste encore la vérité absolue.
Comme en France pour les écoles, il existe un classement de toutes les universités en Corée. Beaucoup d’étudiants visent celles de Séoul, qui sont les plus prestigieuses dans le pays. Certains élèves visent les universités nationales, car les frais de scolarité restent ‘bien sûr’ élevés (1500 euros en moyenne par semestre), mais quand même largement moins que celles privées (3000 euros en moyenne par semestre). Les étudiants dont la famille n’ont pas les moyens doivent trouver leur chemin : soit ils obtiennent un bon résultat pour avoir une bourse, soit ils s’orientent vers des écoles qui forment directement à des métiers ou vers des carrières militaires, soit ils rentrent à l’université comme les autres mais ils travaillent jour et nuit pour gagner leur vie et rembourser leur emprunt à côté de leurs études.
En troisième année de lycée, la concurrence devient rude. Je me demande si j’ai des souvenirs d’amitié à cette époque. Peut être j’étais trop coincée et très préoccupée par mes études. mais je n’étais pas la seule personne comme cela ; c’était un peu l’ambiance générale de toutes les classes. On était amis, partageant la même classe, le même objectif, en travaillant tous les jours ensemble jusqu’à 22h à l’école, mais on était aussi en compétition.
On déjeune à l’école, mais on y dîne aussi. Après notre dîner qui commence vers 18h 30 ou 19h (oui, les coréens dînent très tôt, justement c’était un point qui m’a beaucoup étonné quand je suis arrivée en France, les Français dînent souvent après 20h ! et encore plus tard pendant l’été), on reprend notre place et commence à réviser tous seuls (jusqu’à 10 h du soir en troisième année).
Pourtant ce n’est pas pour critiquer notre système d’éducation que j’écris cet article. Comme toutes les choses, je pense que chaque système a des côtés positifs et négatifs. Après avoir visité les États-Unis et avoir vécu en France, j’ai personnellement conclu qu’on peut trouver un système « mieux » selon ses propres critères, mais qu’il n’y a pas de système parfait.
A l’époque, je ne savais pas du tout ce que j’allais devenir dans l’avenir. Devoir étudier à fond sans connaître mon destin m’a beaucoup dérangé. A l’école on ne favorisait pas tellement la créativité non plus, l’ambiance générale ne nous permettait pas cela. Je n’ai pas pu détecter ma capacité à composer des morceaux (je ne nie pas qu’une grande partie de cela est à cause de moi, j’étais 200% concentrée sur mes études), je ne savais pas non plus que j’aimais bien écrire. Si je suis forte en math et en musique, on me poussait vers les maths plutôt que la musique, et j’ai sagement écouté ces conseils.
Évidemment, aujourd’hui, je ne me rappelle pas non plus de tout ce que j’ai étudié à l’époque, mais les connaissances acquises m’ont permis d’avoir de bonnes bases. De plus, j’ai appris beaucoup de principes qui sont bien ancrées dans mon âme : j’ai appris à respecter les règles décidées ensemble, à me sentir responsable, et à faire de mon mieux à ma manière.
A l’époque, une mauvaise note était presque la fin du monde pour moi. Il n’y a pas que les études dans la vie, et mon monde lycéen était petit, c’est ce que je réalise avec le temps, mais je suis contente d’avoir tant étudié au lycée, car aujourd’hui cela ne me manque plus ;). Je ne regrette pas mes années scolaires passées, je peux dire avec assurance que j’ai fait de mon mieux.
Pour moi, l’école était un lieu où on était protégé de tout, là où on se préparait ensemble pour rejoindre le vrai monde. Sous nos règles définies, on construisait notre propre société et on apprenait à s’y adapter. On grondait ceux qui ne respectaient pas nos règles communes. On a ainsi appris à se sentir gêné si on ne les respectait pas.
Aujourd’hui mes amies de lycée sont elles même devenues professeurs. J’en suis très contente et fière. Pourtant chaque fois qu’on se rencontre, elles n’arrêtent pas de me dire que ce n’est pas du tout comme avant. A peine 10 ans ont passé, mais il paraît que mes copines professeurs ne reçoivent plus autant de respect qu’à mon époque.
Pour moi, mes professeurs étaient des éducateurs mais aussi un peu mes deuxièmes parents, un peu mes phares, ceux qui ont vécu en avance la vie que je vais découvrir. Bien évidemment, parfois, cela arrivait à mes amis et moi de les critiquer et de nous plaindre d’eux, mais ils étaient quand même aussi hauts que le ciel.
Aujourd’hui je remarque la méfiance des gens envers les écoles en Corée. On dit que les professeurs ne sont pas comme avant ; ils ne sont pas aussi compétents ni aussi engagés qu’avant, mais je veux dire qu’il n’y a pas que les professeurs qui ne sont pas comme avant, mais les parents et les élèves ont aussi changé. Et oui, le monde a changé.
Pas la peine de déplorer la situation. Rien n’est négatif. Pas de changement, pas de progrès. Le monde change, alors le système qui y fonctionne doit évoluer également.
Je souhaite juste que l’école reste un endroit où nos enfants peuvent bâtir des bons souvenirs, apprendre des bons principes, et « surtout » où ils se sentent protégés.
Ah bon,même en Corée la situation dans l’enseignement se dégrade !? Je suis moi-même enseignante et je m’apprête à arrêter cette profession. Vous avez tout dit dans l’article . C’est la meme situation en France. Mes parents m’ont appris des règles. Aujourd’hui, en France les parents ne sont plus des parents. Ca me fais plaisir de lire vos paroles : »j’ai appris à respecter les règles décidées ensemble, à me sentir responsable, et à faire de mon mieux à ma manière ».
Depuis une trentaine d’années les français n’ont perdu le sens des responsabilités, le gout du défis et de la compétitivité. On perd peu à peu ce que vous signaler : » Sous nos règles définies, on construisait notre propre société et on apprenait à s’y adapter. On grondait ceux qui ne respectaient pas nos règles communes. On a ainsi appris à se sentir gêné si on ne les respectait pas. » Cependant le système scolaire coréen manque de souplesse. Il construit l’individu pour des perspectives économiques- ce qui est bien et ce qui manque aux français- mais dans le futur, si la croissance économique coréenne est en berne, les jeunes s’opposeront a cette pression scolaire comme chez les japonais. La dé-motivation s’étendra sur l’économie ,la vie relationnelle et sentimentale. D’Europe, la Corée du sud est en croissance et je lui souhaite que du bien. Mais attention a l’effet domino.
Disons que les parents sont beaucoup plus protecteurs qu’avant. Avant on laissait l’école les élever et les gronder si nécessaire. Le rôle de professeur en tant que moralisateur a beaucoup diminué aujourd’hui.
Malgré tout, la Corée reste un pays assez collectiviste. C’est toujours perçu déshonorable pour un individu d’agir contre les règles communes ou d’agir uniquement pour ses propres intérêts. Dans notre langue, le concept de « nous » et de « notre » prend une place importante.
Je suis d’accord que notre système scolaire manque de souplesse de la manière décrite dans votre commentaire. Je ne sais pas de quelle manière les Japonais s’opposent à ce type de pression, mais je me dis qu’en Corée c’est également le cas. L’éducation en Corée reste onéreuse sachant que personne ne s’arrête à l’éducation publique, la majorité des élèves prend des cours privés (principalement en math, en coréen, en anglais) le soir une fois qu’ils finissent leurs écoles. Cela montre non seulement l’ambiance générale qui encourage la compétition mais aussi leur méfiance et leur insatisfaction par rapport à ce que propose l’école (malgré tout). L’ardeur des parents envers le succès scolaire de leurs enfants est particulièrement remarquable.
(Je note quand même que cela dépend des parents, dans mon cas je n’ai jamais eu besoin de suivre des cours privés.)
Concernant l’avenir de l’économie de mon pays, je sais qu’on nous prévient d’un ralentissement de la croissance comme les 20ans perdus du Japon. Une forte croissance éternelle ne me semble pas facile à atteindre pour une société développée. On prépare évidemment pour que cette transformation ne soit pas violente. Après nous on a une variable de la Corée du nord et d’une éventuelle réunification. A voir. L’économie de mon pays est un sujet très intéressant.